Projet scientifique

Plumes et autres souffles

Plume – M.Bret E.Couchot

Contexte

Dans le cadre de ses missions patrimoniales, la Bibliothèque nationale de France constitue depuis plusieurs années une collection d’œuvres d’art numériques, issue du dépôt légal des documents électroniques sur support, du dépôt légal de l’internet, et de dons. Elle a acquis de l’expertise dans la conservation de patrimoines numérisés et nés numériques aussi divers que ses collections. Dans le champ des œuvres multimédias, elle développe des programmes d’archivage et d’émulation, tout en constituant une collection de matériels informatiques.

L’équipe de recherche INRéV et la formation Arts et Technologies de l’Image ont trente ans d’existence et d’expérience dans la création des œuvres numériques. Grâce au savoir-faire de ses enseignants-chercheurs-artistes, l’INRéV a constitué un véritable fond d’œuvres numériques, un patrimoine immatériel conséquent. Mais ses fondateurs, pionniers de l’art numérique en France, sont aujourd’hui à la retraite et une partie de ces œuvres a disparu ou n’est plus montrable. Sa participation à ce projet s’inscrit naturellement dans cette démarche de sauvegarde des œuvres et de l’histoire de ses recherches et créations, thématiques, artistiques et technologiques.

Les artistes isolés ou les centres de création sont très actifs (Le Cube-ART3000 a ainsi produit depuis 2001 une centaine d’œuvres). Mais ils ne sont pas équipés, tant sur les plans matériel, financier que des compétences spécifiques, pour assurer la pérennité de leurs créations. L’obsolescence des matériels et logiciels impliqués dans la monstration des œuvres d’art numérique est extrêmement rapide. Il est difficile de dépasser une longévité de dix ans en garantissant l’intégrité totale des machines, et les environnements systèmes et logiciels ne sont plus maintenus par leurs éditeurs au-delà d’une même période.

Le travail engagé par la BnF pour ce patrimoine constitue donc une opportunité majeure pour le rendre accessible aux générations futures. Au-delà de chacune des créations en elles-mêmes, ce sont les traces des premiers systèmes de pensée à l’œuvre dans ce domaine, où tout est en train de s’inventer, que l’on doit conserver.

Spécificité de l’art numérique

La fidélité dans la représentation des œuvres d’art numérique au fil des migrations de systèmes en systèmes est une gageure, tout comme la lutte contre la disparition inévitable des matériels. Pour faire face, les spécialistes, réunis notamment dans les travaux de la Fondation Daniel Langlois à Montréal dès les années 1990, ont préconisé une description des œuvres la plus complète possible, afin d’en assurer une transmission textuelle. Cette description doit permettre aux générations futures de connaître l’œuvre, mais également de la reconstituer avec les moyens qui seront alors disponibles. À cette recommandation, les porteurs du projet ajoutent que la description des œuvres doit se faire en empruntant le langage formel de la discipline artistique concernée.

Dans le cas du numérique, il faut donc discerner la nature et la cohérence de ce champ de création et identifier le langage formel qui y est utilisé, afin de pouvoir décrire les œuvres de manière stable. Le medium numérique a effectivement permis l’émergence d’un nouvelle forme d’expression, basée sur le fait que le dispositif artistique peut être doté d’un comportement autonome, fonctionnant grâce à l’intelligence artificielle et aux systèmes relationnels combinant capteurs et actuateurs.

Cette forme d’expression a été théorisée à l’Université Paris 8 sous le terme de « Seconde interactivité », par Edmond Couchot, Marie-Hélène Tramus et Michel Bret. Chu-Yin Chen, artiste et chercheur, la prolonge avec les notions de complexité et d’énaction dans l’art numérique, expérimentées dans ses créations et développées dans de nombreux articles. Florent Aziosmanoff, cofondateur d’ART3000, l’a quant à lui dénommée « living art », dans un livre publié en 2010 aux éditions du CNRS. Il a proposé les bases d’un langage formel fournissant un ensemble d’outils conceptuels pour la création de ce type d’œuvres.

Un système de description général

La recherche aura pour objectif d’élaborer un système descriptif général des œuvres d’art numérique interactives et dotées de comportements autonomes, afin qu’il puisse être utilisé par la BnF pour la conservation des œuvres concernées. Il devra pouvoir être inclus dans les systèmes documentaires existant à la Bibliothèque nationale de France. Ce système aura pour vocation de produire un document textuel, éventuellement accompagné d’illustrations, joint au paquet d’informations archivé.

La recherche comprendra d’une part l’élaboration du système, dans ses dimensions théoriques et fonctionnelles, et d’autre part son application à un premier corpus des œuvres concernées, à fin de validation opérationnelle.

Elle tendra également à confronter et valider la proposition sur la scène internationale, auprès d’institutions homologues chargées de la conservation des œuvres d’art numérique.

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