Préambule
Le living Art Lab
Accompagnant la publication du premier livre* sur le living art, nous avons créé au Cube le Living Art Lab en 2010. En effet, ma première proposition avait été faite en suivant l’intuition qu’une nouvelle discipline d’expression apparaissait, permise par l’outil numérique. Une intuition confrontée au quotidien à l’acte de création des artistes soutenus à l’Atelier du Cube. Celle-ci énoncée, il nous fallait en solidifier la structure conceptuelle.
J’ai toujours eu l’impression que « le numérique » se dévoilait à nous comme un énorme poisson sur lequel nous aurions le nez collé et que nous découvririons détail après détail. Un jour une nageoire, le lendemain un œil, le troisième une écaille… Un jour la réalité virtuelle, le lendemain le web 2.0, le troisième les objets connectés… autant de choses n’ayant en apparence aucune relation les unes avec les autres, se succédant à un rythme ininterrompu depuis trois décennies.
Ainsi, dès la fin des années 1980, il m’a semblé que l’apparente incohérence de la geste numérique était sous-tendue par une structure unique, que nous pourrions percevoir si nous trouvions le bon angle d’analyse. Pour comprendre, nous devions pénétrer à l’intérieur du poisson et en trouver la moelle épinière. Et une fois arrivé là, repartir en cheminant le long du squelette, du système nerveux, des organes et des muscles, pour finalement appréhender clairement sa forme extérieure, comprendre son fonctionnement, et pouvoir anticiper ses évolutions à venir. Il fallait faire cette plongée pour identifier ce qui définit totalement la création numérique.
Afin de mener cette exploration, le Living Art Lab a organisé sa réflexion théorique sur la base de plusieurs séminaires. La méthode a consisté à réunir des spécialistes de différents domaines, de conduire des échanges structurés sur des thématiques articulées entre elles, et de publier ces échanges. Les transcriptions sont intégralement accessibles sur le site Internet du Living Art Lab (livingartlab.fr), devenu structure indépendante en 2014, pour l’usage libre des artistes, chercheurs ou étudiants qui peuvent y trouver une matière à laquelle confronter leur propre réflexion.
Les séminaires sont au nombre de trois : le Déballage ; le séminaire Créateurs de comportements ; le séminaire Sémiologie du living art.
Le déballage
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Le séminaire Créateurs de comportements
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Le séminaire Sémiologie du living art
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Les participants du Living Art Lab
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En débutant les travaux du Living Art Lab, je pensais qu’une fois posés les éléments de base du living art avec le premier livre, il nous revenait de commencer à élaborer les superstructures du langage formel. Mais le cours des échanges a pris une direction opposée. Sous les bases, certaines fondations manquaient. Sans elles, nous étions sans cesse confrontés à l’instabilité de l’édification. C’est ainsi que les travaux des séminaires ont en fait considéré la structure fondamentale du living art.
J’en livre ma synthèse et ma vision personnelle, qui ne reflètent pas l’opinion de tous les participants aux séminaires, quand bien même ont-ils pu eux-mêmes m’aider dans mes propres élaborations. Je ne peux ici rendre compte de chacune de leurs positions, et j’invite le lecteur à lire sur Internet les très riches échanges qui y sont intégralement publiés.
En fin d’ouvrage, je reprends l’inventaire des différents séminaires et de leurs thématiques, ainsi que la liste des invités chargés d’une présentation. Mais je voudrais ici introduire brièvement les principaux participants aux séminaires du Living Art Lab et notamment le Séminaire Sémiologie du living art. Ils ont été le ferment et la machinerie intellectuelle qui a permis de faire avancer notablement notre capacité à comprendre ce qu’est la création dans notre domaine.
Dominique Sciamma est l’un des fondateurs du Living Art Lab. Directeur de l’école d’enseignement supérieur au design industriel Strate (Paris), il est à l’origine ingénieur spécialiste de l’intelligence artificielle. Son approche du design des objets et services liés au médium numérique est dans une parfaite cohérence avec le living art, qu’il transpose dans son champ d’action en parlant de living design.
Jean-Claude Heudin est également l’un des fondateurs du Living Art Lab et son plus constant contributeur. Cofondateur, directeur de la recherche et directeur de l’Institut Internet et Multimédia (Paris), il est chercheur dans le domaine de l’intelligence artificielle. Il a notamment orienté sa spécialisation sur les avatars et personnages artificiels, publiant de nombreux ouvrages sur ce thème.
Didier Bouchon est l’un de ces artistes-programmeurs dont le talent permet aux projets des auteurs de venir à la réalité. Directeur technique de l’Atelier du Pôle création du Cube, il a dirigé ou réalisé depuis 2002 la production des œuvres qui y ont été soutenues. Il s’intéresse tout particulièrement aux systèmes de vie artificielle, sa compétence s’exerçant notamment dans le champ de l’expression plasticienne, ainsi que dans le domaine de la vision par machine.
Carol-Ann Braun est l’une des contributrices les plus anciennes aux réflexions d’ART3000 puis du Cube. Artiste, elle a réalisé ses premières œuvres numériques à l’Atelier en 1995, et elle a participé aux premiers Déballages informels dès cette époque. Plasticienne d’origine et poursuivant aujourd’hui son œuvre dans le champ du living art, elle s’est rapidement intéressée aux mécanismes numériques d’accompagnement et de régulation des échanges au sein d’une communauté. Ce qui fait d’elle une spécialiste des « usages sociaux » du numérique.
Roland Cahen est également l’un des contributeurs depuis l’origine des réflexions d’ART3000 puis du Cube. Musicien électroacousticien, proche de Pierre Schaeffer, il est un des grands spécialistes de la musique non séquentielle, interactive et générative. Il est notamment le responsable du Studio sonore de l’École Nationale supérieure de Création Industrielle à Paris, poursuivant simultanément une activité théorique et de création musicale.
Hugo Verlinde est un artiste numérique, dont l’origine de la pratique est située dans le champ du cinéma expérimental plasticien. Son expérience et sa connaissance de l’histoire de cet autre « art technologique », lui donne une grande acuité dans la compréhension des enjeux d’évolution du living art. Sa pratique personnelle lui permet de mesurer la pertinence et la robustesse des apports théoriques dégagés par le Living Art Lab.
Claire Leroux est théoricienne et critique dans le domaine de l’art numérique. Elle l’enseigne dans l’école d’ingénieur informatique ESIEA, où elle a fondé le laboratoire ARNUM qui mène une recherche sur l’interface art/science et soutien des projets artistiques. Elle est ainsi à l’articulation des enjeux fondamentaux de la création artistique et de l’ingénierie numérique.
Erik Geslin est un spécialiste du domaine des jeux vidéo, dans lequel il s’est en particulier intéressé à la question des émotions rendues sur les personnages, thème sur lequel il a soutenu sa thèse à l’ENSAM ParisTech. Après avoir dirigé une formation d’enseignement supérieur dans ce domaine à l’Université de Laval (France), il a rejoint Ubisoft à Montréal en tant que senior game producer spécialisé dans l’affective gaming.
Pascale Weber est une artiste plasticienne, venant de la peinture conventionnelle, puis de la photo et de la vidéo, particulièrement intéressée par les questions théoriques de l’esthétique et de la philosophie de l’art. Sa pratique de l’art numérique l’a mise sur le chemin du living art, qu’elle interroge avec la même approche fondamentale.
* Living art, l’art numérique – Florent Aziosmanoff, Editions du CNRS, Paris, 2010.