Laetitia Favart

ARBRÉOLE

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Laetitia Favart

Laetitia Favart est comédienne, chanteuse et plasticienne, elle suit un cursus d’arts appliqués à L’école Olivier de Serres à Paris.
D’une formation théâtrale classique à Ange Magnétic théâtre avec Antoine Campo (élève d’Antoine Vitez), puis à l’école Jacques Lecoq, elle s’intéresse à un travail d’expression corporelle, de relation corps/espace et traite plus largement de création artistique.

En 2009, elle réalise trois vidéos expérimentales, toujours à la recherche d’un mode d’expression personnel plus proche de sa sensibilité. C’est lors d’un séminaire au Cube que la découverte du Living Art s’impose comme un mode d’expression possible et fascinant, au croisement entre travail sur l’espace, mise en scène et installation plastique.

Résumé des échanges

Arbréole est une installation qui propose une vision moderne du lampion. Accrochés aux branches d’un arbre, les lampions d’Arbréole créent un lieu sous lequel se réunir, cherchant à générer un sentiment d’harmonie et de plaisir.

Dotés d’une capacité de comportements lumineux et musicaux, ces lampions encouragent les spectateurs à danser et communiquer entre eux : plus les spectateurs seront nombreux et en mouvement, plus le dispositif enrichira ses manifestations lumineuses et musicales. Au-delà de ses aspects festifs et esthétiques, perceptibles autant par les spectateurs impliqués que par ceux qui observent à distance, cette œuvre veut reconnecter le public avec des enjeux existentiels fondamentaux : notre lien aux autres et aux cycles de la nature.

Comme son ancêtre à la bougie, le lampion d’Arbréole produit de la lumière. Mais, objet numérique intelligent tourné vers l’avenir, il est animé de comportements autonomes qui lui permettent de faire varier cette lumière dans une animation dynamique, ainsi que de produire une ambiance musicale comportementale, générée par une intelligence artificielle spécifique fonctionnant en relation avec son environnement. Chaque lampion est à cet effet muni de capteurs l’informant de l’ambiance régnant à ses pieds, ainsi que du comportement de ses lampions voisins.

Totalement autonomes, les lampions sont supposés pouvoir être accrochés là où la situation le permet, en nombre indéfini, et se mettre à fonctionner aussitôt, en tenant spontanément compte les uns des autres et de l’attitude du public.

Pour Laetitia Favart, Arbréole est optimiste. Il n’est jamais déçu par l’activité du public, même si celui- ci est calme, peu nombreux. Arbréole cherche à maintenir les personnes présentes sous le dispositif dans une ambiance qui pourrait en attirer d’autres. Le moment où Arbréole atteint le maximum de son expression est lorsque le public se retrouve nombreux et dynamique.

Ce dispositif n’est pas seulement en réaction aux informations venant de la présence du public, il est actif et propose des mouvements à celui-ci, comme se déplacer les uns vers les autres, en privilégiant ces déplacements vers les personnes ou les groupes plus dynamiques.

L’idée est que ce dispositif soit utilisé par quiconque le souhaite, l’installant dans le lieu qu’il choisira. Cela suppose qu’Arbréole puisse s’adapter aux différents contextes selon la taille du lieu, l’ambiance voulue, etc. Ainsi, la nécessité de la modularité complète du dispositif apparaît : le dispositif doit pouvoir augmenter ou diminuer, uniquement par l’ajout ou la suppression de lampions, sans avoir besoin de paramétrer quoi que ce soit d’autre.

Même si Arbréole n’est pas forcément accroché à un arbre, il doit cependant agir comme acteur social. L’arbre pose d’ailleurs la question du tronc, élément central, qui peut représenter un obstacle pour le public, ou à l’inverse un élément de jeu dans lequel le dispositif engloberait ce dernier.

Transcription pdf à télécharger ici

TRANSCRIPTION DU DÉBALLAGE DE LAETITIA FAVART DU 06/04/201

Participants
Florent Aziosmanoff, directeur de la création – Le Cube
Isabelle Bonté, plasticienne
Didier Bouchon, directeur technique – Le Cube
Anabela Costa, plasticienne
Isabelle Delatouche, plasticienne
Laetitia Favart, chanteuse, comédienne, plasticienne
Sana Hmouda enseignante Paris 8
Jean Isnard, plasticien
Tania Legoff, ingénieure et plasticienne
Patrice Masson, plasticien
Sophie Monesi, assistante de recherche pôle création – Le Cube
Mauricio Montecinos, réalisateur, vidéaste, chercheur en Sciences Humaines Clément Fretty, étudiant 1 Paris 8
Emily Aguilar, étudiant 2 Paris 8
Guillaume Bertinet, étudiant 2 Paris 8

Échanges (les parenthèses sont les notes du transcripteur).

(Les participants voient s’afficher à l’écran des pages du site http://www.arbreole.com.)

Florent Aziosmanoff (F.A.): Laëtitia Favart, principalement comédienne et chanteuse, s’est intéressée à la création numérique. En suivant le même parcours qu’Isabelle Bonté, elle est venue au séminaire d’introduction au Living Art avec un projet.

Ce projet s’intitule Arbréole, il va vous être présenté, puis nous reviendrons sur la question posée tout à l’heure (lors du précédent Déballage de Zeugma, d’Isabelle Bonté) : à partir du moment où l’on dispose d’un tel projet, comment peut-on avancer vers sa concrétisation ? Nous y reviendrons, car dans le cas de celui-ci, une autre réponse intéressante peut être apportée.

Laëtitia Favart (L.F.) : Florent a trouvé une formule assez efficace pour résumer Arbréole quand il a parlé de « lampions du vingt et unième siècle », puisqu’il s’agit de modules qui produisent du son et de la lumière.

Dans mon idée de départ, ces modules sont destinés à être accrochés dans un arbre. Ils réagissent par des manifestations sonores et lumineuses et s’adaptent à l’activité du public en dessous : s’il y en a, ils sont dynamiques ; s’il n’y en a pas, ils sont calmes. Tel serait le résumé.

Nous sommes actuellement dans la phase de production. Nous élaborons notamment le design de l’objet, le lampion, c’est-à-dire toute la structure que nous pourrons vous présenter et pour laquelle Didier s’occupe de la programmation.

F.A. : J’ajouterai à ce que j’ai dit dans l’introduction que, ce qui est particulier dans ce travail, c’est que nous avons commencé à le réaliser, aussi verrez-vous que la réalisation est une dimension très importante. Elle est assurée par Didier Bouchon, qui crée les comportements, et par mon frère, Robin Aziosmanoff, qui est musicien et travaille donc sur la partie sonore. Laëtitia reviendra sur la partie création et lumière.

Nous avons envie de dire énormément de choses sur la façon dont nous fabriquons ce lampion, cependant nous en parlerons peu. En effet, méthodologiquement parlant, les Déballages sont des a donc pour vocation de donner à Laëtitia l’occasion d’exposer et de discuter strictement ses enjeux de discours.

Bien que la frontière soit difficile à définir, nous devons essayer de nous en tenir à cela. La discussion sur la réalisation est tout aussi importante et fondamentale et, pour cela, nous avons un autre séminaire que nous appelons Créateurs de comportements. Au cours de la prochaine édition de ce séminaire, Didier viendra, lui-même, expliquer la façon dont il a pu interpréter les enjeux de discours de Laëtitia dans la réalisation de la partie programmation. Peut-être sera-t-il avec Robin, à qui incombait la même tâche pour la partie musicale.

Aujourd’hui, c’est l’occasion pour Laëtitia et pour nous, dans les questions que nous allons lui poser, de nous concentrer autant que possible sur les enjeux de conception et de discours.

Vous êtes tous d’ores et déjà invités à venir assister au séminaire Créateurs de comportements où nous discuterons de l’autre partie du travail : la réalisation du projet, l’interprétation technique et concrète qu’aura été faite du discours de Laëtitia, qu’elle nous expose aujourd’hui.

L.F. : De toute façon, je ne suis pas vraiment capable de parler de la réalisation.

F.A. : Mais nous tous ici pourrions avoir envie d’en parler, ce qui paraît légitime.

L.F. : La genèse de ce projet, c’est le séminaire d’introduction au Living Art que j’ai suivi il y a deux ans, avec plusieurs personnes ici présentes. Je suis comédienne, chanteuse et plasticienne. J’ai notamment suivi un BTS arts appliqués auparavant.

J’ai participé à ce séminaire, car j’avais un projet théâtral un peu complexe, dans lequel je voulais qu’il y ait une zone interactive avec le public, sans comédiens. A ce moment-là, je ne savais pas du tout ce qui se faisait dans ce domaine, c’est pour cela que j’ai assisté à ce séminaire de six jours.

J’ai ensuite été accompagnée par Florent dans l’écriture de ce que je pensais être une sorte de parcours interactif, qui faisait davantage appel au monde du spectacle, idée dont je me suis finalement complètement détachée.

Mon enjeu de discours dans cette œuvre, c’est que ce dispositif, constitué de modules lumineux et sonores, activés par notre comportement et suspendus aux branches d’un arbre, soit une représentation de notre effet sur l’environnement. Notre présence ou notre absence, notre calme ou  notre dynamisme – pour simplifier – ont une incidence sur notre environnement et sur les personnes présentes autour de nous. Voilà ce que j’avais envie de rendre visible.

En outre, ce qui m’importait, c’était l’idée du rassemblement : des personnes réunies créent ensemble davantage d’événements musicaux et sonores, que lorsque l’on évolue seul au sein de cette  installation.

Ce rassemblement se veut harmonieux, c’est-à-dire ni pesant, ni anxiogène, mais agréable et plaisant. Pour moi, un rassemblement harmonieux pourrait s’exprimer, par exemple, sous forme de danse. Je voulais que l’œuvre puisse, à son extrême, avoir notamment des comportements qui induisent à danser.

F.A. : Concrètement, combien y a-t-il de modules ?

L.F. : Une trentaine. Tout dépend ensuite de la taille des arbres.

Chaque objet est un individu à part entière avec son propre système de calcul. Il est complètement indépendant et, en même temps, il communique par radio avec les autres modules. Chacun capte des informations sur ce qui se passe en dessous de lui et peut les communiquer principalement avec les cinq modules qui sont autour de lui.

Ils fonctionnent un peu comme fonctionnerait un essaim d’oiseaux. Ils sont ensemble, ils peuvent avoir des manifestations de concert. Et dans ce concert, il y a des expressions qui leur sont propres.

Quand il n’y a personne, l’arbre est « en appel » : il propose des sons qui suggèrent au public de s’approcher.

Quand une personne entre sous l’arbre, on observe deux systèmes lumineux qui s’activent. D’une part, un système de leds illumine toute la structure du module, ce jeu de lumière se voit de loin. D’autre part, une lumière directionnelle, dirigée vers le sol, éclaire la personne présente sous le module. Lorsque quelqu’un entre sous un module, il est immédiatement pris en considération. Il s’en rend compte puisqu’une lumière s’allume et, probablement, un son se fait entendre.

Dès qu’il y aura une ou deux personnes sous l’arbre, il se passera des choses sonores et lumineuses. Plus les gens seront nombreux, plus la base musicale et lumineuse du système s’enrichira. Donc, plus  il y aura du monde, plus il y aura du mouvement, plus le système sera animé.

Avez-vous des questions ? Est-ce que cette synthèse vous paraît claire ?

Sur les images, vous pouvez voir des modules allumés dans un arbre.

(Des images d’Arbréole sont projetées à l’écran)

F.A. : Vous voyez sur ces images les premières esquisses de la forme de l’objet. En fait, ce ne seront pas celles qui seront réalisées. Néanmoins, cela permet de vous donner une idée de cet objet.

Participante 1 : L’objet ? Tu veux dire le lampion ?

L.F. : Oui.

Il s’agit vraiment d’un travail d’équipe, comme le disait Florent. En effet, différentes personnes participent à la réalisation du projet. Un designer s’occupe du design de la coque du lampion. Le CRIIF (Centre de robotique intégrée d’Île-de-France) est en train d’élaborer tout le système pour intégrer à ces modules, les batteries, les capteurs et résoudre les problèmes techniques. Didier s’occupe de la programmation et Robin élabore le système musical.

Nous échangeons et discutons souvent. Dans cette phase de travail, je suis souvent en interaction à superviser, à tâcher de redonner les axes qui étaient les miens pour essayer de les adapter aux contraintes techniques de chacun.

Par exemple, au niveau musical, différents morceaux de musique pourront être joués par chaque module. La principale difficulté que l’œuvre présente, c’est que tous ces morceaux que jouent les différents modules en même temps, doivent pouvoir s’imbriquer. Il s’agit donc de créer un système qui génère de la musique qui peut être aléatoire et qui doit également avoir des règles. Par exemple, s’il y a quatre morceaux qui sont joués en même temps, cela peut être quatre morceaux de percussion, puis, un des morceaux peut être remplacé par une basse. C’est-à-dire qu’il doit être possible d’enlever et de remplacer, à tout moment, un ou plusieurs morceaux par d’autres, tout en gardant une cohérence dans le son.

Pour Robin, notamment, c’est une chose particulière à construire.

Ce qui est très nouveau pour tout le monde dans le travail de cet œuvre, c’est que chaque lampion est un haut-parleur distinct : chacun diffuse son propre son et peut le diffuser fort.

F.A. : Nous allons peut-être vous montrer un exemple de l’objet.

(Florent présente un module)

Pour l’instant, vous voyez les deux tiers du module. Un premier tiers est l’enceinte. Le fût, que vous avez là, est une petite enceinte acoustique avec un système d’évent. C’est peut-être la partie la plus simple à réaliser.

Une deuxième partie, peut-être plus complexe, est l’appareillage technologique de l’objet.

Il y a tout d’abord son ordinateur, c’est un téléphone qui fonctionne sous Android, puis une carte Arduino, qui va permettre d’interfacer avec les capteurs et notamment avec les leds. Les capteurs sont trois télémètres à infrarouges, qui sont supposés détecter, dans un cercle d’approximativement un mètre de diamètre, une personne qui arrive.
Ensuite, parmi les éléments qui permettent d’émettre des choses, il y a le haut-parleur pour le son, bien entendu, puis les leds et le petit projecteur dont parlait Laëtitia. Les leds disposés sur l’ensemble du module sont assez puissantes, elles éclairent de toutes les couleurs avec l’intensité que l’on souhaite, tout comme le petit projecteur, mais qui, lui, éclaire en dessous de façon directionnelle.

Le dernier tiers de l’objet est en cours de création. Il s’agit d’une coque translucide qui viendra par- dessus à la fois masquer le système et capter, récupérer la lumière des leds : faire en sorte que l’objet soit illuminé et ce, avec des variations. Actuellement, le designer cherche ce qu’il est possible de réaliser avec les moyens de Strate Collège (le partenaire Design du projet), à partir de ses premières esquisses.

Grâce aux quatre rangs de leds que vous pouvez voir, disposés sur trois étages, l’objet lui-même pourra présenter tout un système cinétique, en jouant sur des variations dans son illumination. Nous ne pourrons pas vous faire une démonstration du système lumineux, puisque nous ne l’avons récupéré qu’hier. La prise en main n’est donc pas encore faite.

En revanche, Didier a déjà commencé à réaliser un système qui permet d’entendre le travail sonore. Ce ne sont pas encore les comportements qui sont élaborés, mais il s’agit déjà d’une première interface qui permet de travailler la matière musicale préparée par Robin. Nous pourrons vous le faire écouter.

Peut-être pouvons-nous, d’ailleurs, faire un détour par cela maintenant, ce qui permettra d’être un peu plus sur des choses concrètes, puis nous reviendrons sur les enjeux de discours.

Avant que nous entendions une illustration de ce qui vient d’être dit, la façon dont le module est équipé vous paraît-elle claire ?

Une batterie est supposée rendre le dispositif autonome pendant environ quatre heures. Il y a aussi la

radio, pour permettre aux modules de communiquer entre eux. Nous aurions pu utiliser le Wifi ou le Bluetooth, mais nous avons préféré utiliser un système spécifique, puisque dans ces autres systèmes nous ne maîtrisons pas l’instantanéité, le réseau, il nous faut donc souvent attendre. Or pour synchroniser les trente musiciens qui vont jouer ensemble, il faut se synchroniser à moins de cinq millisecondes.

(Démonstration sonore.)

Didier a la banque de données de tous les petits morceaux sonores qui ont été préparés et, par le biais d’un séquenceur, il en lance un, ferme l’autre et ainsi de suite, de façon aujourd’hui presque aléatoire.

Le dispositif est capable de faire entrer en jeu les nouveaux acteurs là où il faut, dans le temps, dans les différents systèmes de mesure. Il y a une trentaine d’objets de ce type qui font chacun quelque chose, ce quelque chose pouvant être à la fois coordonné et personnel. Ils peuvent, par exemple, tous jouer de la basse en même temps, pendant qu’un son circule de l’un à l’autre.

L.F. : Ce qui est intéressant et que nous allons devoir tester, c’est qu’il est possible de spatialiser le son. Certains sons peuvent ainsi se mettre à tourner, à monter ou à descendre…

Mauricio Montecinos (M.M.) : Des synergies entre le son et l’environnement sonore ?

L.F. : Non. Il n’y a pas de micro ou de capteur de son, parce que sur un haut-parleur, c’est un peu compliqué à mettre en place. Dans notre cas, le système interagit avec ce qu’il considère être de la présence et, surtout, du mouvement.

Participante 2 : Comment communiquent-ils entre eux ?

L.F. : Par radio. Il y a un canal radio.

F.A.: Nous n’allons pas faire l’exposition du principe de la musique, car ce n’est pas le lieu aujourd’hui.

(Fin de la démonstration sonore.)

Nous avons levé le mystère sur l’objet, si tant est qu’il y ait besoin d’en avoir un. L’objet sera bien cela, avec sa jolie coque. Nous ne vous avons pas montré la façon dont cela fonctionne sur le plan lumineux, vous pouvez cependant le deviner.

Participant 2 : Sur le plan technique, quelles sont les informations que les modules échangent entre eux ? Est-ce uniquement pour la synchronisation de la musique, ou également par rapport à la détection des personnes ?

L.F. : C’est l’ensemble.
Didier Bouchon (D.B.) : Ces informations sont vraiment des messages qu’ils échangent entre eux. Tous ces messages sont d’ailleurs à mettre au point.

Ils portent notamment sur leurs états internes. Par exemple, si des personnes bougent, les modules seront dans un état d’excitation qu’ils communiqueront aux autres. Les messages peuvent se collisionner au niveau des modules, s’annihiler l’un l’autre. De plus, chaque message a une durée de vie.

Participant 2 : Ces messages, ont-ils des portées différentes ?

D.B. : Ils ont une durée de vie, ils peuvent être inhibés et, effectivement, avoir une portée différente.

L.F. : Par rapport aux œuvres de Living art, je trouve très intéressante l’analogie que l’on peut faire avec la façon dont on construit un personnage. Si ce dispositif était un personnage, si c’était quelqu’un, je pourrais dire qu’il a très envie de contact et qu’il est très bien disposé pour accueillir le public.

Pour simplifier, Arbréole n’est jamais de mauvaise humeur. Il va être content s’il y a une personne ou deux sous l’arbre et il le sera de plus en plus s’il y en a davantage. Il va donc enrichir ses manifestations sonores et lumineuses, les complexifier au fur et à mesure que les personnes arrivent.

Je suis partie trois jours travailler avec le musicien, Robin Aziosmanoff. Nous avons commencé à écrire des règles de comportement. Je ne sais pas, Didier, si tu as eu le temps de les regarder ?

D.B. : Je les ai un peu parcourues.

L.F. : Nous aurons l’occasion d’en discuter pour justement essayer de définir ces règles.

Nous pourrions, par exemple, imaginer qu’il y ait, dans un premier temps, des sons « d’appel » quand il n’y a personne, des sons assez calmes – qui ne seront pas ceux que vous venez d’entendre.

Puis, lorsqu’une personne ou deux personnes entrent sous le dispositif, les modules qui les détectent jouent des sons que nous avons appelés « réactifs » et qui réagissent en synchronisation immédiate avec le déplacement d’une personne sous l’arbre. Même s’il y a deux ou trois personnes, cela a un intérêt.

Si d’autres personnes arrivent sous l’arbre, un système de percussion, uniquement de percussions, commencent à jouer et s’intègre aux différents morceaux précédents. Ainsi les sons « d’appel » et les sons « réactifs » s’arrêteront ou se mélangeront aux percussions, qui se mettent à jouer.

S’il y a encore davantage de personnes ou que le dispositif considère qu’ils sont plus dynamiques, il peut alors choisir d’introduire les basses, les guitares…

Quand il considère qu’il a atteint la limite du nombre de personnes dynamiques sous l’arbre, il lance le système au maximum de ses manifestations lumineuses et sonores.

Nous avons également pensé à mettre en place un système d’aimantation. Par exemple, quand il y a deux personnes sous l’arbre, il pourrait peut-être y avoir des sons qui dirigent une personne vers l’autre, qu’elles choisiront de suivre ou non.
Ce sont des règles où le fonctionnement peut être aléatoire. Cependant, si l’une des personnes est dynamique et l’autre calme, le système va toujours privilégier celle qui est plus dynamique. De même, si deux ambiances sonores sont déclenchées parce qu’il y a deux groupes différents des deux côtés de l’arbre, s’il y a une réunion des deux ou un mouvement qui tend à les réunir, cela va toujours aller vers l’ambiance sonore la plus dynamique.

De ce fait, avec Robin, nous réfléchissons à une unité de mesure qui permettrait de déclencher ces différentes ambiances. Il nous semble plus judicieux pour cela, d’utiliser une unité de mesure qui prendrait en compte le mouvement du public, plutôt qu’une unité de mesure liée au nombre de personnes présentes sous le dispositif.

Si une personne est très active, si elle est prise en compte par deux ou trois modules, on considère alors qu’il y a deux ou trois mouvements. S’il y a trois personnes mobiles et peu actives, on considère également qu’il s’agit de trois mouvements. Une personne qui est plus dynamique aura évidemment plus de poids et pourra attirer, lorsqu’un groupe danse, d’autres personnes.
Ainsi, on peut aussi imaginer que des basses seront diffusées par l’ensemble du système, mais que certains individus, en bougeant davantage, attireront une partie des sons, les aigus par exemple.
Tout cela fait partie des règles de comportement que nous avons évoquées avec Robin. J’attends de voir ce qui est possible concrètement.

J’ai choisi que l’espace que devait investir ce dispositif, s’organise autour d’un arbre. Pour moi, l’arbre est un symbole qui représente notre environnement naturel. Il représente également le lien qui, dans certaines traditions, nous rapproche de nos ancêtres, nos racines. Il figure aussi un lien entre la terre et le ciel. C’est un symbole qui se retrouve dans de nombreuses cultures. C’est une représentation de l’homme.

Pouvoir se rassembler autour d’un symbole de cet ordre-là, est, pour moi, une représentation de notre environnement et des liens que l’on y tisse à l’intérieur. Ce dispositif me semble être une réponse à la représentation d’un monde dans lequel on vit.

Par la suite, dans une phase de développement et de production, nous pouvons imaginer que ces modules seront probablement accrochés dans d’autres circonstances. Finalement, l’important est qu’ils permettent des moments de rassemblement festif et qu’ils interagissent avec le public, bien que, dans mon idée première, je les aie imaginés accrochés aux branches d’un arbre. De plus, même suspendu dans un arbre, le dispositif présente de multiples possibilités : tout dépend de la taille de l’arbre, de la répartition des modules, etc.

Un problème se pose d’ailleurs par rapport à la répartition des modules. Dans un arbre, nous ne pouvons pas placer les modules sur un même niveau : certains se retrouveront au-dessus d’autres. Ainsi, les modules situés au dessus des autres modules, dédoubleront le nombre de mouvements et de personnes perçu. La solution, à laquelle nous avons pensé, serait que les modules situés dans une couche supérieure soient « aveugles », qu’en tout cas les informations, leur mémoire…

M.M. : Des modules qui seraient au service des autres ?
L.F. : En tout cas, des modules dont on pourrait utiliser différemment leur mémoire, que pour leur perception.
En effet, si le champ de perception est déjà quadrillé par les modules qui sont situés en dessous, cela suffit probablement. Les modules d’au-dessus prendrait en compte des personnes déjà perçues par les modules d’en-dessous. Leur champ de vison serait faussé par d’autres modules, des branches, etc. L’information qui viendrait des modules de la couche supérieure compliquerait cette perception.

Nous nous sommes dit que cela empêcherait le bon fonctionnement du dispositif.
En tout cas, pour résumer, nous en sommes à ce stade de réflexion : la coque est en train d’être produite, nous réfléchissons aux comportements et la musique s’élabore en parallèle.

Maintenant que nous pouvons travailler sur des règles de comportement, je vais réfléchir, par exemple, aux gammes de couleurs que je souhaite. J’ignorais, avant que nous disposions des guirlandes de leds – que je vois aujourd’hui pour la première fois –, que je pouvais choisir une gamme de couleur. En effet, j’aimerais pouvoir associer certains types de couleurs à certains types de réactions émotionnelles qu’ont les modules.

Voilà pour la présentation du stade où nous en sommes.

Isabelle Bonté (I.B.) : La détection se fait-elle nécessairement par dessus ? Ne pourrait-on pas imaginer une détection, au niveau du sol, de la présence des personnes et de leur façon dont elles se déplacent ? S’ils dansent ou non…

L.F. : Pour cela, il faudrait un sol, un peu comme les tapis de danse, muni de…

I.B. : De capteurs ?

L.F. : J’y avais pensé, mais sur de l’herbe ou sur un sol qui n’est pas droit, c’est impossible.

I.B. : Un sol sensitif ?

L.F. : Cela s’abîme facilement. C’était une idée à laquelle nous avions réfléchi, sur les croquis, on peut encore le voir dessiné au sol. Il y avait une surface qui pouvait également renvoyer la lumière.

Cependant, si nous voulons pouvoir le vendre, il faut que cela puisse être adaptable et donc que cela présente un minimum de contraintes.

F.A. : Nos discussions ont également abouti à l’idée de la modularité complète du dispositif, qui n’était pas nécessairement une idée initiale.

Actuellement, le prototype que nous développons compte une trentaine de lampions, car nous avons estimé que c’était la taille critique par laquelle nous atteindrions le résultat que Laëtitia envisage.

Cependant, une fois mis à disposition du public, une personne pourrait décider d’acheter trois cents lampions pour équiper un très grand lieu. Une autre pourrait choisir d’en acheter seulement une dizaine, pour proposer quelque chose de plus intime dans un autre lieu.

Il fallait donc que le dispositif augmente ou diminue uniquement par l’ajout ou la suppression de modules, sans que nous ayons besoin de paramétrer quoi que ce soit d’autre.

L.F. : Ils fonctionnent tous de la même manière. Qu’ils soient cinq ou trente, cela ne change rien.

M.M. : Il y a les aveugles…

F.A. : Nous n’allons pas trop entrer dans le détail en ce qui concerne la réalisation. C’est en effet la partie que devra exposer Didier, d’autant plus qu’il aura eu, entre temps, à se poser concrètement la question de la possibilité, ou non, de la réalisation de toutes ces idées.

Ce que l’on peut imaginer, c’est que si certains lampions devaient fonctionner conjoncturellement d’une manière différente, ils le feraient spontanément. C’est-à-dire que si les lampions ne devaient pas être sur des rôles complets tout le temps, ils auraient la capacité d’adopter un rôle ou un autre, par exemple de spontanément devenir « aveugle ». C’est un peu l’idée.

Si quelqu’un veut s’acheter un dispositif Arbréole, il ne faut pas qu’il s’en achète dix comme ceci et douze comme cela. Il doit pouvoir s’en acheter autant qu’il veut, les modules étant tous similaires. Puis, quand le dispositif fonctionnera, les modules se débrouilleront entre eux, prendront eux-mêmes l’initiative de changer de rôle.

L.F.: En l’occurrence, dans un vold’oiseaux migrateurs, celui qui est à la tête n’est pas nécessairement le chef du groupe. Ils se remplacent et prennent la tête du groupe pour des raisons x ou y. Par exemple, un oiseau peut se retrouver en quelque sorte « aveugle » en étant placé derrière le premier – celui-ci lui obstruant la vue –, puis passer devant sans aucun problème. L’analogie avec l’essaim d’oiseaux reste assez vraie.

Le dispositif n’est pas seulement en réaction aux informations prises en dessous, il est actif et propose des mouvements. Il propose au public de se déplacer les uns vers les autres.

M.M. : En fait, il est dans l’attention à l’environnement, que ce soit l’environnement de l’appareil, celui de ses autres composantes ou bien des personnes qui sont là.

L.F. : Oui. Ainsi, nous avons imaginé que, si une ambiance sonore est déclenchée à un instant précis par des personnes et que, sur ce, d’autres personnes entrent sous le dispositif, le système va d’abord privilégier de rester dans la même ambiance sonore, si c’est possible. Ensuite, si ce n’est pas possible car il y aurait trop de monde, par exemple, il fonctionnera bien sûr autrement.

Le système peut considérer qu’à un moment donné, sont réunies dix unités de mouvement – je ne parle pas de personnes – suffisamment dynamiques pour lancer l’ensemble de son système. Ce système sera alors constitué des morceaux de compositions aléatoires, qui produiront peut-être ensemble une mélodie. En tout cas, il s’agira vraiment d’une construction de morceaux.

Par la suite, celui-ci peut se demander, en interrogeant les capteurs : « Mes unités de mouvement sont-elles toujours dynamiques ? ». Dans le cas où l’activité aurait baissé, le système peut revenir à quelque chose de plus calme, même si, comme un DJ, il essaie toujours à un moment de « relancer la balle » pour stimuler à nouveaux l’activité du public.

Pour autant, il ne va pas insister et lancer tout ce qu’il a, être au maximum de ses capacités, si les personnes ne prennent pas. Il va continuer, comme un joueur de bonne composition, à lancer la balle pour voir si quelqu’un l’attrape. Si cela ne prend pas, ce n’est pas grave. Il se produira tout de même de multiples événements intéressants en termes de musique et de déplacement spatial sous l’arbre, de façon à ce que cela ne soit pas ennuyeux.

Même si rien ne déçoit ce dispositif, c’est avec plusieurs personnes très dynamiques qu’il prend toute son amplitude. Finalement, c’est cette situation qu’il espère, à savoir : avoir la possibilité d’être au maximum de ses potentialités.

M.M. : Comment règles-tu la question du volume ?

L.F. : Le volume dépendra, à mon avis, du cadre. Il sera possible d’avoir un contrôle sur le volume global. Il faudrait même qu’il reste externe.

En effet, si l’on est dans une soirée où on peut mettre le volume à fond, ou si l’on se trouve dans un parc, il ne s’agit pas du même contexte et l’ambiance ne sera pas la même : il faudra donc s’adapter. C’est pourquoi nous aurons probablement besoin de pouvoir régler le volume de l’extérieur, de garder un contrôle dessus.

F.A. : Il y aura une sorte de télécommande, qui permettra de régler ce que l’on aura besoin de régler. Pour cela, on utilisera l’un des téléphones.

J’aimerais te poser une question sur l’image de départ, l’image mentale que tu as formulée : celle de l’arbre, des racines, de cet élément qui s’élève vers le ciel, l’arbre tribal sous lequel on se retrouve, sous lequel saint Louis rendait la justice.

L’image est très nette. En revanche, quand on se pose les questions concrètement et que l’on essaie de réfléchir à la façon dont on va réaliser le projet, le problème de l’arbre devient son tronc.

Il est là, au milieu, gros et massif, surtout s’il s’agit d’un arbre imposant. Le tronc fonctionne comme un obstacle entre les différentes parties du groupe. De plus, il peut y avoir des racines qui sortent du sol et qui vont occuper un mètre ou deux de diamètre, ce qui ne sera guère pratique pour danser, pour se réunir.

On a affiché l’une des esquisses (projetée à l’écran) que tu avais réalisées pour expliquer ton projet et l’on voit que, toi-même, tu étais déjà gênée par cela. En effet, tu as un peu triché en disant que le rond, où le public se réunissait, était en fait devant l’arbre – sur l’un de ses côtés pourrait-on dire – et non pas tout autour du tronc. Si l’on imagine un très grand arbre, on peut se dire que l’on utilise un côté de la ramure et que l’on fait le cercle dansant de ce côté-là.

Je ne cherche pas à te piéger sur ton option de départ. Il s’agit bien plus de réfléchir sur une articulation adéquate entre l’idée symbolique de départ et les possibilités de sa réalisation concrète.

Par exemple, quand nous avons réfléchi ensemble à la manière la plus pratique d’implanter Arbréole quelque part, nous nous sommes dit qu’il vaudrait mieux l’installer entre quatre arbres proches les uns des autres, comme un mail de platanes dans le sud de la France, ou entre quatre troncs. On accrocherait les lampions dans les branches qui sont au-dessus de l’espace central, de sorte qu’on puisse obtenir à la fois la référence à l’arbre et, ce faisant, un lieu dégagé.

Quelle importance a, dans ta tête, ce tronc central ?

L.F. : Je suis curieuse que nous ayons l’occasion de tester le dispositif dans plusieurs configurations.

Tout d’abord, tous les arbres ne sont pas nécessairement entourés de racines impraticables et, quand bien même ce serait le cas, deux solutions paraissent possibles.

Soit il s’agit d’un grand arbre avec un arc de cercle autour, comme un amphithéâtre, où les gens ont

une vision des autres qui soit quand même globale. Soit la configuration dont, à mon avis, il serait intéressant de tenter l’expérience, serait un seul arbre avec précisément un obstacle, le tronc, des groupes qui ne se voient pas à priori et…

F.A. : Tu veux dire une ronde ?

L.F. : … où dès lors se dessine, mais ce n’est peut-être que symbolique et cela ne présente peut-être aucun intérêt dans la pratique, l’image d’un mandala avec un centre autour duquel on tourne.

Ainsi, si toutes les personnes ne peuvent pas se voir, peut-être auront-elles envie d’aller voir ce qu’il se passe de l’autre côté. De plus, comme le système peut diriger des groupes les uns vers les autres, cela peut avoir un intérêt et peut devenir un jeu. Il y aurait plusieurs espaces sous le même arbre, où l’on ne serait pas forcé de tous se voir. Dans une fête, par exemple, nous n’avons pas besoin nécessairement de tous se voir pour partager une même convivialité, une ambiance globale.

Je serais curieuse de pouvoir tester le dispositif dans ces deux configurations, autour d’un arbre, ou plutôt dans les trois, si l’on repense au cercle de danse au centre de quatre arbres. De cette façon, je voudrais savoir si le tronc apparaît plutôt comme un obstacle ou comme un élément de jeu, pouvant être un pivot autour duquel les choses s’organisent autrement.

F.A. : Reste la question de la réalisation, de la façon dont tu tentes de ne pas perdre l’inspiration initiale, qui était tout de même l’arbre central. Nous avons ensemble également parlé de la référence au film Avatar, dans lequel la symbolique de l’arbre est massive.

L.F. : Les personnages sont devant l’arbre et forment trois quarts de cercle.

F.A.: Finalement, le tronc fonctionne davantage comme un décor d’arrière-scène qui est symboliquement structurant. Chaque fois que les indigènes sont réunis, c’est d’un côté de l’arbre.

L.F. : Tout en gardant ce tronc comme point de concentration, comme centre de leur attention.

F.A. : Comme attracteur, puis comme point focal de l’ensemble de la foule qui est devant l’arbre, au pied de celui-ci. Saint Louis, si l’on y repense, est assis devant l’arbre et non dedans, de même pour tous les conseils qui se réunissent au pied d’un arbre.

M.M. : Tu peux difficilement installer l’objet sur le tronc, tu es obligée de le déporter un peu.

L.F. : Bien sûr, sur les branches.

F.A. : Les modules seront suspendus aux branches.

Participant 2 : Je ne trouve pas que ce soit une mauvaise idée d’attirer des personnes dans un endroit impraticable, un peu de la même manière que l’on utiliserait des lanternes pour accéder à un tel lieu… Je trouve également intéressant de réunir des personnes autour d’un arbre, alors que l’on a plutôt tendance à se réunir autour d’un feu.

L.F. : Peut-être qu’effectivement, la solution la plus logique semble d’utiliser l’espace devant l’arbre pour former un amphithéâtre. Cependant, il y reste tout un dos qui n’est pas exploité. Ce sont, là encore, des choses que nous devons tester pour élaborer les comportements.

Pour cela, nous avons besoin d’avoir au moins cinq ou dix de ces objets dans une salle pour tester si nos règles fonctionnent et si elles vont être intéressantes ou non. Avant cela, nous pouvons déjà les préciser sur papier.

M.M. : En termes de détection, le tronc, de toute façon, va faire ombre sur ce qu’il y a derrière. Vous employez un système de détection…

L.F. : Ce sont des capteurs infrarouges.

F.A. : Oui, des télémètres infrarouges : il s’agit d’un rayon qui est envoyé et récupéré.

M.M. : S’il y a quelque chose derrière, le dispositif ne pourra pas…

F.A. : La détection se fait vers le bas, c’est une douche. Le rayon s’ouvre légèrement, s’évase pour faire…

M.M. : J’ai bien compris, mais, par exemple, si l’on imagine que je suis le tronc (Mauricio Montecinos se lève pour figurer physiquement ce qu’il explique.), ce qui est derrière moi ne sera pas capté.

F.A. : De toutes manières, ce ne sera pas possible, qu’il y ait tronc ou non. Les zones de détection de chaque module sont très étroites, puisque les lampions sont assez proche les uns des autres. Elles font environ un mètre de diamètre, il est vrai que nous ne l’avions pas précisé.

Participante 3 : Ces zones de détection se chevauchent-elles ?
L.F. : Peut-être y aura-t-il entre deux modules, un petit espace de chevauchement, c’est à voir.

D.B. : Il faut que ces zones se croisent.

Jean Isnard (J.I.) : Je pense qu’il faut traiter le tronc de l’arbre comme si c’était un personnage. Tout se passe autour de l’arbre et non pas d’un seul côté, cela semblerait étrange. Si le tronc fait obstacle dans certains cas, il faut que la fête se fasse tout autour.

Anabela Costa (A.C.) : Ainsi tu auras une unité autour de l’objet qui est l’arbre, un dispositif qui l’enrobe.

L.F. : C’était mon idée de départ.

Cela dit, je suis d’accord avec Florent pour tester de multiples configurations et voir lesquelles sont finalement les plus intéressantes, ce qui va générer chez les gens les comportements les plus créatifs ou les plus surprenants.

M.M. : Sous le cône de détection de chaque module, tu n’auras pas une masse de gens, c’est tout au plus…

D.B. : Il y a trente modules.

M.M. : Oui, mais sous chaque module…

F.A. : Chacun voit son ou ses quelques vis-à-vis et chaque module sait ce que voient les autres, en tout cas, ce que voient ses voisins. Il y a donc une conscience de la perception collective qui circule dans l’ensemble du dispositif.

Le dispositif, une fois accroché, fera à peu près l’espace de cette scène (Florent la montre dans la salle) et les modules seront répartis, environ un par mètre, sur une grille de cinq ou six mètres de large. Si un mouvement ou une présence est perçu d’un côté de la grille par un module, celui-ci en fait son affaire. Il signale ensuite à ses voisins ce qu’il a perçu et la façon dont il réagit. Ses voisins feront de même avec leurs propres voisins et ainsi de suite. Au bout d’un moment, l’information parviendra aux modules situés à l’autre bout de la grille, qui en feront peut-être quelque chose.

Il y a un partage, une circulation aussi bien…

M.M. : De l’information.

F.A. : Oui, c’est ce que Didier disait tout à l’heure. Il s’agit aussi bien de l’information sur ce qu’ils perçoivent, de l’information sur leur propre état interne, que sur ce qu’ils sont en train d’émettre. Si l’un décide de jouer une percussion, il va dire aux autres qu’il joue une percussion. Le voisin prend en compte l’information donnée, ce qu’il en fera ensuite reste à voir.

Il faut comprendre que cette plasticité du comportement global du dispositif va être très complexe et que le résultat sera très puissant.

M.M. : Je l’avais compris. Ce dont en revanche je prends conscience, c’est que si les personnes qui interagissent avec les capteurs ne sont pas en dessous, le mouvement se perd. S’ils dansent cinquante centimètres à côté, leur mouvement ne sera pas perçu.

F.A. : En dehors du cercle de jeu, à l’extérieur ? Oui, c’est sûr, il faudra venir sous les feux de la rampe.

M.M. : Ce que je dis, c’est que cela induit déjà une certaine dynamique.

F.A. : Le projecteur, qui éclaire au sol, est lui-même relativement directif.

M.M. : Il signale plus ou moins l’aire de sensibilité des capteurs.

D.B. : En fait, cela a un impact seulement sur « l’appel ». Les personnes doivent être détectées par les modules pour lancer le système, puis, que ces personnes soient perdues ou non, le dispositif va jouer avec.

M.M. : Dès lors que le dispositif est dans une dynamique, cela n’a pas d’importance.

D.B. : L’importance, c’est le mouvement. Finalement, si les personnes bougent, elles ne seront pas perdues longtemps. Si elles sont perdues pendant un long moment, qu’elles se retrouvent coincés entre deux modules, c’est qu’elles ne bougent pas.

M.M. : Ou que les modules sont trop espacés les uns des autres.

D.B. : Ce que tu dis est intéressant pour « l’appel », quand il n’y a personne dessous.

M.M. : Et pour l’installation du dispositif.

D.B. : De temps en temps, comme disait Laëtitia, il y a des « appels ». Il ne s’agit pas de produire une musique douce en ne s’occupant de rien, mais d’interpeler les personnes pour qu’ils viennent sous le dispositif.

En revanche, il n’y a aucune perception des personnes qui sont autour de celui-ci, donc l’appel se fera un peu au hasard. On ne fera pas un appel quand quelqu’un passe au loin, pour dire cela simplement.

L.F. : Il y aura suffisamment de sons d’appel pour qu’aléatoirement, ce soit toujours un peu différent.

A propos des règles à mettre en place, Robin et moi, nous posions justement la question suivante : si au bout de cinq minutes personne n’entre sous le dispositif, le fait d’ajouter des sons renforcera-t-il l’attraction ? Nous n’en étions pas sûrs. Nous avons pensé que le dispositif pourrait plutôt choisir, au bout de ces cinq minutes, de faire un « break », c’est-à-dire de tout arrêter et produire une surprise en se rallumant par une manifestation sonore ou lumineuse.

Il s’agit de trouver différentes manières d’appel, ce ne doit pas être un son produit indéfiniment. Le système doit pouvoir produire des sons variés. On peut imaginer que ces sons pourraient s’enrichir au fur et à mesure de l’attente, ou peut-être serait-il plus intéressant de tout couper, de temps en temps, et de tout rallumer d’un seul coup.

Le dispositif est joueur, il est dans un esprit de proposition.

J.I. : Dans leur forme extérieure, les objets sont-ils tous semblables ou y a-t-il des formes différentes ?

L.F. : Non, ils sont tous semblables.

J.I. : Parce que dans l’histoire des lampions, il y en a diverses sortes : les lampions chinois, les lampions du Quatorze juillet…

L.F. : Ils seront tous semblables, mais rarement tous de la même couleur. Finalement, c’est la lumière qui fera qu’ils seront tous, de loin, très différents.

Nous allons voir ce qui est possible pour le design de l’objet, par rapport aux contraintes techniques. Dans l’idée de départ, nous avions envie de formes qui s’inspirent d’un monde végétal ou animal et qui, vues d’un côté ou d’un autre, n’aient pas l’air complètement identiques.

De plus, les modules devraient présenter des anfractuosités, des volumes, et en fonction de la lumière qui se diffuse à l’intérieur, ils apparaitront légèrement différents.

En fait, c’est la lumière qui va leur donner leurs vraies caractéristiques.

F.A. : Vous voyez sur les esquisses – je vous les ai affichées de nouveaux –, en termes de fabrication, le lampion va plutôt se rapprocher de quelque chose de cet ordre ou de celui-ci (images projetées). Nous n’avons pas encore tranché, l’objet sera peut-être encore plus simple. Nous sommes encore dans le cadre de la réalisation d’un prototype.

Il faut vous imager que la coque sera constituée de trois parties distinctes. Lorsque l’on voudra assembler la coque du lampion, il nous suffira d’entourer la structure des trois morceaux côte-à-côte, on serrera le tout en haut et le tour sera joué.

Pour charger les lampions, nous devons les décrocher, ouvrir la coque et les entreposer. C’est un prototype un peu compliqué à réaliser, pour lequel nous devons trouver des solutions de fabrication.

En ce qui concerne le matériau, il faut qu’il soit à la fois léger et diffusant, peut-être s’agira-t-il d’un altuglas de deux ou trois millimètres d’épaisseur, thermoformé.

Je voudrais revenir sur une discussion, que l’on a eu plus tôt, qui portait sur la disposition des modules dans l’arbre, entre ce que tu disais, Jean Isnard et toi, Anabela Costa. Accroche-t-on les lampions autour de l’arbre ? Devant l’arbre ? S’agit-il, d’ailleurs, forcément d’un arbre ? Ce qui est intéressant dans la perspective de Laëtitia, c’est qu’elle n’a pas pensé son projet dans la logique d’une installation.

Nous allons fabriquer trente modules. Puis, chaque fois que nous voudrons jouer le dispositif, l’artiste imposera de l’installer comme ceci ou comme cela.

Dans la vraie vie du dispositif qu’il aura plus tard, l’idée est qu’il soit industrialisé : c’est-à-dire que les personnes puissent l’acheter à un prix raisonnable, pour l’installer chez eux. Ils décideront d’avoir chez eux ces lampions et pas autre chose, tout en pouvant choisir le nombre et peut-être plusieurs styles de lampion, ou encore plusieurs styles de musique. Ensuite, le tout fonctionnera selon notre principe.

Dès lors, ce qui va se passer, c’est qu’effectivement l’usage va échapper à Laëtitia. Les gens qui auront un bel arbre dans leur jardin, installeront les lampions sur ses branches. D’autres disposeront d’un préau et les attacheront à des poutres ou encore à un filet qu’ils auront tendu dans la cour derrière chez eux, ou le long d’une allée en les alignant les uns derrière les autres, peu importe. Le dispositif, de fait, s’adaptera à la situation de jeu.

Il est vrai que la réflexion de Laëtitia peut conduire au fait que cela marche mieux dans telle ou telle situation, que cela pousse les gens à privilégier telle ou telle disposition. Cependant, vous pouvez comprendre que ce contrôle du comportement du spectateur, dans ce projet, sera complexe à suivre et à maîtriser par la suite. En effet, chacun disposera lui-même l’installation et, de plus, probablement en fonction d’un contexte qui s’imposera à lui.

Il faudra quand même que cela continue à être, d’une manière ou d’une autre, ce que Laëtitia espère : c’est-à-dire que le dispositif agisse comme acteur social.

L.F. : On pourrait imaginer, même si pour le moment cela semble complexe, que les personnes puissent introduire leur propre playlist dans le système. Ainsi, certaines de leurs musiques serviraient d’appel, si il n’y a pas suffisamment de monde ou s’ils ne sont assez dynamiques, et la playlist pourrait être lancée dans une phase complètement festive. Pourquoi pas !

J.I. : Pour les boîtes de nuit, tu veux dire ?

L.F. : Non, chez soi. Comment fais-tu quand tu fais la fête chez toi ? Tu mets ta playlist ! Bien sûr, nous n’en sommes pas encore là.

F.A. : Cela permet de nous intéresser à un autre aspect, que l’on peut deviner, mais qui mérite d’être bien expliqué, à savoir : la dimension lumineuse de l’ensemble du dispositif, puisque l’on se retrouvera avec une trentaine d’objets qui seront tout de même assez volumineux.

Le soir, chacun de ces lampions variera de couleur et cet ensemble créera un ballet lumineux. En outre, si le support sur lequel seront suspendus les modules est quelque peu intéressant, il y aura le jeu avec la ramure, les branches, les feuilles, etc.

Il y a une vraie composition, une véritable expression du comportement qui se crée dans la partie lumineuse.

On peut dire que l’illumination du lampion n’est pas faite pour celui qui est en dessous, mais pour celui qui est loin, qui regarde et se pose des questions. Quant à celui qui est en dessous, c’est le projecteur qui est tourné vers lui.

Isabelle Delatouche (I.D.) : Je connais un arbre qui aura une ramure de cinquante mètres de diamètre, ton dispositif devrait bien fonctionner avec lui !

L.F. : Cool !
I.D. : C’est à Nantes qu’ils sont en train de construire cet arbre (l’Arbre aux Hérons), dans le cadre du projet artistique les Machines de l’île. Ton projet m’y fait penser.

L.F. : Oui, je l’ai vu, c’est génial ! C’est la compagnie Royal De Luxe qui prépare cela pour 2018, encore faut-il qu’ils finissent de trouver les budgets, me semble-t-il.

Pour l’instant, il existe une ramure prototype de ce futur arbre, qui mesure vingt mètres de long. C’est une sorte d’une branche gigantesque en métal et en bois, dans laquelle on peut se balader. C’est très beau, la ramure est entièrement végétalisée grâce à des plantes qui poussent tout au long de celle-ci. Ils ont implanté des vrais végétaux qui figurent le feuillage sur chaque branche, c’est vraiment génial !

F.A. : Tu vas pouvoir leur en vendre trois milles !

Une petite question taraude certainement les amoureux de la nature : celle de l’autonomie du dispositif. Pour l’instant, il y a une batterie qui devrait tenir environ quatre heures, je l’espère. Cependant, il faut décrocher le lampion pour le recharger.

Dans sa dimension industrialisée, ce dont on peut rêver, c’est qu’il soit complètement autonome sur le plan énergétique, c’est-à-dire que des panneaux solaires soient disposés dessus, afin que l’installation se recharge dans la journée pour jouer la nuit – bien qu’il puisse également jouer de jour.

Au stade où nous en sommes, cette dimension n’est pas mise en avant car nous ne sommes pas capable de l’organiser pour un prototype, mais…

J.I. : Pourquoi ne pas utiliser tout simplement des liaisons filaires ? Des fils descendant le long du tronc, ce n’est pas compliqué…

F.A. : Si, justement, nous en avons discuté, c’est compliqué.

J.I. : Pourquoi ? Après tout, on ne verrait pas les fils, ce serait plus simple.

F.A. : Tous ceux qui ont mis une fois dans leur vie des guirlandes électriques dans un sapin de Noël, auront constaté que cela s’emmêle. Ils savent que l’on affronte cela courageusement la première année, la deuxième, moins courageusement, mais la troisième…

Dans notre projet, nous avions l’idée de tout installer depuis le sol, en accrochant les lampions avec une perche, sans avoir besoin de grimper dans l’arbre. Ce serait l’idéal. Au stade du prototype, nous n’en serons pas tout à fait là, bien que nous n’en serons pas loin.

S’il faut en outre gérer le passage du fil, cela devient vraiment compliqué, aussi bien au stade de l’installation, que de la désinstallation. Une nappe de trente fils, au moins, devant converger vers un dispositif central au sol, cela risquerait de devenir une usine à gaz.

Certes, réussir à ce que ces modules soient autonomes, c’est une autre usine à gaz. En tout cas, au niveau de l’utilisation, l’autonomie nous permet de franchir un cap important. Nous avons dû résister pour parvenir à faire adopter cette solution de l’autonomie, cela a été de longues semaines de discussion au cours desquelles, la solution des liaisons filaires était toujours présente.

L.F. : À propos de la taille de ces objets, personnellement, je l’imaginais plus petite. Cependant, pour obtenir des sons graves, nous devons disposer d’un bon haut-parleur. C’est donc le haut-parleur qui nécessite que l’objet ait cette taille. C’est le tube central du lampion qui fait enceinte.

Robin disait que s’il y avait une diffusion des son graves, par exemple au sol, et que les objets n’avaient besoin que des sons médiums et aigus, alors on aurait pu avoir des objets d’une taille moins conséquente.

En fait, c’est cette nécessité de sons graves qui implique cette taille, puisqu’on ne souhaite pas qu’ils sortent d’un autre objet externe…

F.A. : D’un caisson de basse, en fait.

L.F. : Je voudrais revenir sur un autre point, par rapport notamment au projet d’Isabelle Bonté (Déballage de Zeugma), puisque moi aussi, je suis dans l’idée que, plus on se rassemble et plus ce rassemblement est harmonieux, plus cela crée d’énergie, de sons, de dynamisme.

Je me suis donc également retrouvée face à cette problématique : que se passera-t-il s’il y a peu de monde, seulement deux ou trois personnes plutôt calmes, ou dix personnes peu animées ?

En fait, l’œuvre y répond par elle-même. Certes, elle sera au maximum de ses capacités s‘il y a davantage de monde et que les personnes sont dynamiques. Cependant, si le groupe est restreint et si seulement une ou deux des personnes sont dynamiques, le dispositif favorisera la zone active, en essayant de diriger les personnes plus calmes vers les personnes plus dynamiques.

Je voulais que, si le dispositif soit quelque peu intelligent, même avec deux spectateurs ou encore trois ou quatre qui ne dansent pas, il se passe des événements assez intéressants pour que ces personnes restent et d’autres s’approchent. Le dispositif produirait alors, par exemple, suffisamment de manifestations sonores ou lumineuses.

Au final, j’espère que l’on aura, comme de la part d’un DJ, un effet sonore ou lumineux qui va quand même lancer la balle de temps en temps, interpeller les personnes et favoriser celles qui auront un comportement plus dynamique. Dans une soirée, même si certaines personnes sont calmes, il y a quand même des lumières rouges et oranges, par exemple, quelqu’un qui de temps à autre produit de petits appels pour voir s’il peut entraîner le public et lancer du son un peu plus fort.

De plus, ce n’est pas parce que des personnes discutent qu’elles ne passent pas un bon moment et donc, que la situation n’est pas intéressante. Bien que l’objectif final de l’œuvre soit de créer de l’animation, quatre personnes, qui discutent et se sentent bien sous l’arbre, crée une situation intéressante.
Le dispositif est optimiste, son intérêt est de maintenir les personnes présentes sous le dispositif dans une ambiance qui pourrait, d’autant plus, en attirer d’autres.
Dans ce cadre, en plus du volume du son qui serait intéressant de gérer de l’extérieur, une autre donnée à prendre en compte est cette unité de mouvement que le dispositif considère.

Par exemple, j’avais mis, dans un premier temps, arbitrairement le nombre dix : dix unités de mouvement pour que le dispositif atteigne ces pleines capacités. Au départ, il s’agissait de dix personnes. Cependant, je me suis rendue compte que dix personnes calmes ne pouvaient pas déclencher tout le processus.

Par la suite, j’ai donc décidé qu’une unité de mouvement n’égalait pas une personne et que, finalement, cette unité de mouvement devait pouvoir s’adapter en fonction des situations.

Je m’explique. Si l’on se situe, par exemple, dans un lieu d’exposition où les personnes travaillent, tel que la Défense, le dispositif aura besoin d’une sensibilité plus réactive, puisque les personnes ne feront que passer, il faudra donc pouvoir baisser cette unité de mouvement. A l’inverse, si l’on est dans une soirée avec beaucoup de monde qui ont déjà envie de faire la fête, le dispositif devra être moins réactif, et, pour cela, il faudra pouvoir augmenter l’unité de mouvement.
L’unité de mesure du mouvement doit peut-être pouvoir être modulée, comme le volume, de façon à ce que le dispositif propose des choses intéressantes en prenant en compte le contexte.

J.I. : Ne peut-il pas y avoir une voix qui fasse un appel ? Par exemple : « Venez ! », un peu comme sur le marché…

L.F. : Avec Robin, nous avons enregistré des sons de ma voix, qui ne tiennent pas des propos compréhensibles, mais qui laissent passer cette intention. Il va les travailler pour que ces sons induisent cet appel, sans que ce soit si didactique.

F.A. : Quel genre de choses ? Tu peux donner un exemple ?

L.F. : Non, je ne peux pas ! Il ne les a pas encore ajouté aux autres sons, parce qu’il ne les a pas traités, cela grésille, etc. Je parle dans une langue inconnue qui m’est venue comme cela, des sons qui éventuellement font référence à certaines choses…

D.B. : Du « bréolien », peut-être !

L.F. : C’est cela !

J.I. : Il faut que les coques soient hermétiques à l’eau, je suppose ?

F.A. : A terme, oui, même si a priori quand il pleut, on ne fait pas vraiment la fête dehors, donc on n’installe pas ce dispositif. Effectivement, le jour où celui-ci sera réalisé concrètement, de nombreuses spécifications devront s’appliquer à l’objet : qu’il soit plus léger et étanche, qu’il puisse tomber de trois mètres sans se casser…

Sana Hmouda (S.H.) : Et l’amplificateur ? Le volume du son est-il assez puissant ?

F.A. : Là, nous ne l’avons pas mis très fort, c’est déjà relativement puissant. De plus, il faut imaginer qu’il y aura trente modules et que tous ne vont pas produire des sons très différents les uns des autres. Ils vont jouer ensemble, dès que la machine sera un peu lancée, et vont beaucoup jouer à l’unisson. Si on le pense comme un orchestre de trente instruments, même si chacun n’est pas très puissant, cela finit par produire un volume sonore assez important.

M.M. : Dans quel contexte est-il prévu de faire un test grandeur nature ?

L.F. : On ne sait pas encore si dans le cadre de Futur en Seine…

F.A. : Il y aura deux étapes.

Ici, au Cube, se tiendra, dans un peu moins d’un mois, une séance de travail de quinze jours avec les trente modules réalisés. Laëtitia, Didier et Robin pourront vraiment travailler sur le comportement global de l’objet.

Ensuite, la première présentation au public est censée avoir lieu dans le cadre de Futur en Seine, qui aura lieu mi-juin. Cela devrait se passer au Centquatre, ou peut-être à La Défense, ou dans d’autres lieux…

La question concernant la façon dont on arrive à réaliser ce genre d’objets, a déjà été posée à Isabelle Bonté. Dans le cas de Laëtitia, son projet avait aboutit à un dossier, avec des textes et des images l’expliquant, dans le but de trouver l’argent nécessaire pour réaliser ne serait-ce qu’un premier prototype.

En fait, il y a cet événement nommé Futur en Seine, qui a lieu en juin et dont c’est la troisième édition, en cette année 2012. Il finance des prototypes. Nous avons donc pu leur adresser ce dossier et faire financer le prototype, se faire aider pour la réalisation des trente modules, ainsi que pour tout le travail de création et de développement associé.

Cela aboutira à un prototype, quelque chose qui permettra de tester, de démontrer la valeur, l’intérêt du dispositif. Bien entendu, cela n’aura de sens que si nous réussissons ensuite à l’industrialiser.

I.B. : Tu as mis deux ans pour en arriver là ?

L.F. : Oui, j’ai suivi le séminaire il y a deux. J’avais déjà, en arrivant, un préprojet. Ensuite, Florent m’a accompagnée dans l’écriture. Nous sommes rencontrés plusieurs fois, le projet a ainsi beaucoup évolué.

Nous nous demandions ce que nous pouvions faire au Cube. Nous avons tout d’abord pensé à une simulation, c’est-à-dire simuler un arbre lumineux en vidéo avec des sons et, éventuellement, simuler les allées et venues du public, etc. Puis, nous est venue cette chance de pouvoir le produire dans le cadre de Futur en Seine.

F.A. : Lorsque l’on a des projets ambitieux comme celui-ci, je parle pour tous les créateurs présents dans cette salle, dont on subodore qu’il ne sera pas évident de les faire financer par des subventions culturelles ou artistiques peu conséquentes, cela peut être décourageant.

En discutant avec Laëtitia, nous avons décidé de ne pas nous demander ce que l’on pouvait faire avec un petit vidéoprojecteur et une petite subvention… Nous avons choisi une autre option : définir clairement le projet pour ce qu’il est lui-même et se poser la question de sa vraie dimension, de sa perspective. Tout en se posant également les questions sur le principe de réalité à terme, il s’agissait avant tout de penser le projet pour lui-même. C’est ainsi qu’est née l’idée du lampion comportemental qui fonctionne en essaim.

En effet, nous ne pouvions pas le réaliser. Néanmoins nous l’avions au moins pensé pour ce qu’il était. Il ne restait plus qu’à guetter l’opportunité qui ferait qu’à un moment donné nous tomberions peut-être sur les moyens de le réaliser.

L’intérêt était bien de définir ce projet dans une certaine ambition, avec une liberté de penser, aussi bien qu’avec sérieux. Cela nous a permis, lorsque l’on a rencontré une opportunité, de répondre à l’appel d’offre en seulement deux jours. Le dossier était prêt et l’ambition du projet correspondait à la  situation qui proposait de financer ce genre de projets.

C’est, je pense, une leçon intéressante à tirer : ces projets doivent être pensés dans l’absolu et pour eux-mêmes, car nous sommes dans une période où proposer de telles idées dans la création numérique commence à être accepté. L’ensemble de la société est prêt à entendre et recevoir des choses comme cela et pas simplement quelques programmes expérimentaux très confidentiels. Des personnes financent les expérimentations et les prototypes, les industriels sont également prêts à investir des sommes importantes sur des projets viables, qui ont vraiment vocation à aboutir par la suite.

Tout comme je l’expliquais pour le projet d’Isabelle, ce qui est important, c’est la manière dont nous tenons notre responsabilité de créateurs face à ceux qui vont investir des centaines de milliers d’euros dans le projet et face aux milliers de personnes qui recevront ces œuvres.

Il ne faut donc pas hésiter à investir cette responsabilité-là. Cela est bien plus essentiel que de considérer ce qui est aujourd’hui à notre portée et ce que nous pouvons bricoler à l’intérieur de ce principe de réalité.

L.F.: Le séminaire m’a permis de connaître un champ qui n’était pas du tout mon domaine auparavant, à savoir ce que l’on appelle le Living design et toutes les réalisations que compte aujourd’hui le Living art émergent. De plus, je me suis aperçue que cela pouvait éventuellement intéresser des villes, des structures, voire des particuliers dans une phase d’industrialisation.

En effet, rendre vivant un espace public ou privé d’une autre manière, c’est une tendance qui commence à se développer. Il faut prendre en compte certaines adéquations possibles, avec des  désirs que la société a envie de développer.

F.A. : Tout simplement, pourrait-on dire, cela correspond, à un moment donné, à un marché : il s’agit des moyens du marché privé et non plus uniquement ceux de la subvention publique.

Pour ceux que le projet aura passionné, c’est-à-dire l’ensemble d’entre vous (sourires), nous vous donnons bien volontiers rendez-vous au prochain séminaire, celui des Créateurs de comportements, où nous reparlerons de ce projet sous un autre aspect. Il sera certainement organisé après la présentation d’Arbréole au Centquatre, parce qu’auparavant, Didier sera complètement débordé de travail et l’esprit concentré sur celui-ci.

Nous irons tous, d’ici là, danser au Centquatre, en tout cas dans le lieu où Arbréole sera montré. Nous pourrons éprouver l’œuvre, observer la façon dont les idées et souhaits de Laëtitia auront été réalisés.

Didier pourra alors expliquer le travail qu’il aura dû faire pour interpréter ces enjeux-là et les difficultés qu’il aura du affronter au niveau du traitement de la matière. Il serait peut-être intéressant que Robin soit présent, parce que même s’il ne crée pas les comportements, ce qui est le travail de Didier, il lui faut néanmoins bien comprendre cette activité-là.

Je remercie Laëtitia et Isabelle. Merci à vous tous et à très bientôt !

Il y a encore une chose à laquelle vous n’avez pas pensé, pour ceux qui se posent des questions sur la détection. Ces lampions, sous l’arbre, vont être exposés au vent. Pour travailler la détection, je ne vous raconte pas comme cela risque d’être amusant !

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